ANATOLY IVANOV / PROSE / 2020-06-27

ÉVITEZ LES ÉGOCENTRISTES PERDUS DE CHEZ CHRONOPOST

de Anatoly IVANOV

LOGISTIQUE / PSYCHOLOGIE / ESSAIS / MES NOUVELLES

Encore une histoire de sous-traitants complètement fous chez Chronopost.

Alors que et hier, et aujourd’hui, 30 minutes avant lui, je reçois une livraison d’Amazon Logistics, sans problème, un livreur de Chronopost appelle sur mon portable. Pas un mot sur pourquoi il a refusé de passer hier avec un statut “Colis présenté à l’adresse indiquée mais destinataire absent. Impossibilité de laisser un avis de passage”.

– Allo, monsieur, c’est Chronopost
– Oui, on vous attend depuis hier
– Descendez dans la rue
– Pardon ?
– Je suis dans la circulation
– On est au 3e, le temps de mettre le masque, les gants, vous allez faire plus vite
– Les quoi ? Non, là j’peux pas m’arrêter

Et il raccroche. Il part.

Je le rappelle. Heureusement, ce n’est pas un numéro à sens-unique comme chez Amazon Logistics.

– Allo, Chronopost?
– Oui.
– Bah, j’ai pas compris là, vous où ?
– Ah non, moi je suis parti.

Pas un mot un mot d’excuse !

– Et hier, vous êtes parti pareil ?
– C’est trop difficile
– Bah, on est en période d’épidémie, non, vous voulez m’infecte ? Ou tomber malade ?
– Moi ? Suis malade ?
– J’en sais rien, si vous êtes malade et contagieux ?
– Ah ?
– Vous êtes au courant qu’il y a un virus qui tue des gens, non ?
– Quoi?!
– Y’a une épidémie de Covid-19, vous avez entendu en parler ?

Silence, bruits de cabine de camionnette. Je décide de me déplacer, parce que là, 2 tentatives de livraison, c’est du matos urgent, ce serait au mieux reporté à lundi, ce serait trop tard.

– Bon, vous êtes où là, c’est où votre prochaine livraison ? J’arrive.
– OK mettez votre masque, vos gants, vos baskets et descendez dans la rue le chercher votre colis, je reviens.

J’arrête ce que je faisais, je mets mon respirateur 3M, mes gants Ansell, mes lunettes… les livreurs voient une quantité énorme de gens par jour, ce sont des vecteurs de contamination très efficace. Et non, on est pas miraculeusement sorti de l’épidémie par décret présidentiel.

Je descends dans l’impasse.

Personne.

J’attends. Pas une voiture, rien. Il commence à pleuvoir, je suis en short et t-shirt. Pas cool. J’avance vers l’intersection avec une rue traversante. Aucune camionnette non plus, rien qui arrive.

J’appelle le livreur de nouveau.

– Chronopost ?
– Oui, je suis dans l’impasse.

Je me retourne et je jette un coup d’œil dans l’impasse vide.

– Non, il n’y a personne.
– Mais si, il y a des pompiers derrière moi.
– Attendez, vous êtes sûr d’être dans l’impasse ? Parce qu’il y a aussi la rue, le passage… tous avec le même nom.
– Suis dans l’impasse, bon, vous venez pas.

Il raccroche.

Je cours déjà vers la rue, qui est en sens unique. Pas de voiture, de camionnette en stationnement. Heureusement, que c’est un sens unique.

OK, je cours vers le passage, donc déjà 400 m depuis le point de livraison. OK, c’était ma distance de sprinter quand je m’entrainais sérieusement en Russie. Mais masqué sous la pluie fine avec un short qui descend de ma taille pour s’accrocher à mes couilles, c’est même pas le niveau de confort du coureur de dimanche.

J’arrive au passage. La camionnette Chronopost / DPD est là. Le gars arrive avec mes 2 colis.

Je l’arrête d’un geste. Il ne fait pas le lien entre un gars avec un masque et celui qui l’appelait tout à l’heure.

Je mets mes deux mains sur ses épaules et le tourne de 45 degrés.

– Qu’est-ce qui est marqué là ?

Je pointe vers le panonceau de rue.

– Euh… “Passage”.
– Et vous livrez à ?
– Impasse.
– Et qu’est-ce qui est marqué là ?
– Passage
– Et vous devez être où ?
– Impasse.

Le gars sors son Android, scrolle dans l’appli, comme si la carte allait lui montrer autre chose, qu’il est dans une impasse, et non pas dans un passage.

– Vous voulez pas me dire un truc, non ?
– Quoi ?

Je le tiens encore sur un épaule.

– Mec, tu veux pas me dire “je suis désolé”?!
– Mais moi je travaille depuis 4 heures du matin, vous imaginez pas, alors que vous, c’est le samedi…
– Attends, tu sais quand je me suis levé ? Tu sais à quelle heure je me suis couché ? Tu sais que je fais pas de weekends depuis 2018 ?
– OK, OK, désolé

Il ouvre sa camionnette, pose les colis sur le siège conducteur, les scanne et me les rend.

Il est furieux. Comment je sais ? Il ne porte pas de masque.

* * *

Morale de l’histoire? Il y a des gens comme ça, complètement dans leur ignorance, leurs illusions, perdus à tous les sens du terme, y compris géographiquement.

Et ils se croient justes. Même quand on met leurs deux yeux sur un fait objectif qui contredit tout ce qu’ils croient.

Ils ne savent pas admettre leurs erreurs.

Et ils ne s’excusent pas. Même quand on leur demande direct, face à face.

Ça vous rappelle peut-être quelqu’un de proche ? Ou un “partenaire” de travail ?

Qui croit et vit dans un univers parallèle où tout est inventé pour se sentir à l’aise. Qui ne “veut pas s’excuser de nouveau” alors qu’il n’y a jamais eu d’excuses autre que “je voudrais m’excuser pour tout, mais je ne sais pas pour quoi exactement.”

Et que, même quand vous leur montrez des textes, des enregistrements audio de WhatsApp, des photos, des screenshots, des contrats signés… bah non, “je ne voulais pas causer de tort et mes amis me disent que je suis quelqu’un de bien, et forcément, ils doivent avoir raison.”

* * *

De notre monde du cinéma, ça me rappelle une réplique dans Matrix 1, que j’aurais aimé dire à ce genre de personne :

“You believe you are special, that somehow the rules do not apply to you. Obviously, you are mistaken.”

Et à nous autres, qui vivent dans la réalité, de citer Terminator 1 :

“Listen, and understand. He can’t be bargained with. He can’t be reasoned with. He doesn’t feel pity, or remorse.”

Et enfin, encore de Matrix 1:

“A little piece of advice. You see an agent… you do what we do: Run. You run your ass off.”

C’est ce que j’ai dû faire ce matin pour récupérer mes colis.

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