ANATOLY IVANOV / MOI / INTERVIEWS ET CRITIQUE / CANAL+ : LA PHOTO ENTRE DEUX RIVES

Il a 20 ans, un parcours déjà bien rempli. Surtout une approche déjà très personnelle et professionnelle de la photographie. Son site immerge le visiteur dans son univers: celui d’une photographie très conceptuelle, bien sentie.

Anatoly Ivanov est entre deux rives: celle de Moscou, son pays, là où il a fait des études de peinture et de marketing en faculté et celle de Paris, où il a développé la photographie de manière professionnelle en faisant des stages chez Magnum et Sipa, avec en parallèle une formation dans une école de commerce.

Sa passion pour la photographie a commencé d’une manière expérimentale en faisant des photos dans des clubs techno à Moscou, qui seront diffusées dans des magazines de musique russe.

De ses études de peinture, il garde une démarche artistique fondée sur la beauté visuelle de la couleur, chargée d’un concept. Une approche qu’il applique aussi au web-design et la retouche numérique. Ses sujets de prédilections sont les portraits, l’urbanisme, les objets high-tech, les photos anti-pop et anti-mass culture, anti-mode. Techniquement, il préfère travailler in situ et en hybride (positif couleur - scan - retouche et multi-supports papier et web).

Des projets plein la tête, il en a! Depuis qu’il a reçu de nombreux prix de web-design, il croule sous les commandes (création de sites et retouches pour des grands magazines, comme Vogue). Finalement, il décide de créer avec des collègues-artistes SYLIPSI, un service de web-design. Mais à quand une exposition? C’est encore trop tôt pour en parler. Alors patience! D’autres photos vont être publiées sur le site, et nous attendons ce projet sibyllin: «des impressions de 1m sur 2m sur la nouvelle Epson 9500

Alors d’un clic, plongez dans les pages hautes en couleur de ce site minimaliste avec des images plein écran et d’une grande beauté.

QUESTIONS DE NUMÉRIQUE

Vous êtes russe. Quelle est la tendance actuelle de la photographie en Russie? Où en est le numérique?

C’est un peu difficile de répondre car je ne travaille plus en Russie depuis deux ans. Les tendances de la photographie en Russie sont assez académiques. On préfère toujours les photos noir et blanc style Doisneau. On voit quand même apparaître beaucoup de nouvelles galeries, de magazines photo, de sites web. De plus, on montre des photographes «interdits» pendant l’époque soviétique. Les meilleurs photographes russes essayent de travailler avec l’Europe et les US.

En ce qui concerne le numérique, je ne suis pas vraiment au courant. Mon tireur à Moscou me dit qu’il a perdu pas mal de photographes qui impriment maintenant sur imprimantes. D’un autre coté, tous les photographes russes que je connais sont toujours en argentique, et après tout, il faut savoir que la pellicule, le développement et le tirage en Russie coûtent beaucoup moins cher qu’en France.

Que pensez-vous du développement de la photographie numérique en France?

C’est pareil qu’avec internet, au début personne n’en voulait en France alors qu’aux Etats Unis tout le monde l’utilisait déjà. Aujourd’hui les gens commencent à comprendre son ampleur! Le numérique, c’est beau mais cela pose plusieurs problèmes qui empêchent les photographes de se convertir tout de suite. En gros, pour devenir numérique, soit on soustraite, soit on fait tout soi-même.

La sous-traitance est la voie idéale pour débuter en numérique, mais en France, ça coûte horriblement cher!

Si l’on fait tout soi-même, le problème principal est technique. Pour le moment, les cameras numériques portables n’ont pas une résolution assez élevée pour exploiter le fichier dans tous les sens; les cameras de studio ne peuvent scanner que des objets fixes. Si vous ne rentrez pas dans le cas des photojournalistes pour qui la résolution d’un Nikon D1 ou d’un Canon D2000 suffisent, ou dans les cas des photographes de nature-mortes, la seule solution est d’adapter une approche hybride: prise de vue argentique, le reste numérique.

Il y a aussi un problème financier. Hybride ou pas, l’équipement demande un investissement important (...) minimum 300 000 F HT ! Sans oublier que la courbe d’apprentissage du numérique est très raide (retouche, management couleurs, sorties, tout simplement l’informatique) qui demande au moins un an d’apprentissage jour et nuit.

Dès lors que ces problèmes vont s’améliorer, les photographes ne vont plus hésiter une seconde, en France ou ailleurs. Pour le moment, les photographes les plus converties en numérique en France sont ceux qui ont été forcés de le faire. C’est à dire les photographes de news et de sport, pour qui le numérique tranche entre la vie et la mort et aussi ceux qui travaillent dans la pub.

/ Laurence KONIECZNY / Canal+ / www.photonum.com / Paris, FRANCE / 2001-01

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